Réenchanter le monde à travers la poterie : entre savoir-faire et savoir-être
Dans mon atelier, j’écoute souvent des conférences diverses et variées pendant que je suis derrière mon tour de potier. Un des « privilège » de notre modernité. Un jour, j’entends Aurélien Barrau (astrophysicien et philosophe), et il pose des mots sur des sentiments, des ressentis subtils que j’observe dans mon métier de céramiste. Dans un monde souvent marqué par la vitesse et l’efficacité, les réflexions que j’ai tirées de cette conférence m’ont incitée à me pauser et à faire des liens. Ses idées m’ont inspirée à considérer l’importance de réenchanter notre quotidien, à travers une approche qui allie le prosaïque et le poétique. Cette vision m’a permis de mettre en lumière ma relation avec la matière, la terre, et l’art de la poterie, qui, à première vue, peuvent sembler simplement techniques. Pourtant, chaque geste, chaque tournage est empreint d’une poésie silencieuse, d’un dialogue profond avec les éléments qui nous entourent.
L’artisanat, en tant que pratique, dépasse selon moi le simple façonnage de l’argile. C’est une danse délicate entre l’intention et la création, une rencontre avec soi-même. Le tournage, par exemple, n’est pas seulement une série de mouvements mécaniques, mais une exploration de la patience, de l’écoute, et de la présence. En apprenant à transmettre ce savoir-faire à mes élèves, j’ai constaté que la poterie peut devenir un espace de méditation, où chacun découvre la force tranquille qui sommeille en lui. C’est dans ce cocon que se développe la connexion avec la nature, avec la matière, et avec l’intangible : l’art de créer.
Dans mon atelier, chaque élève est invité à explorer sa propre manière d’entrer en relation avec l’argile et de manière plus large avec le monde. La simplicité des gestes et l’harmonie du corps, loin de nécessiter une force brute, révèlent une douceur, une délicatesse qui évoquent la danse. Ainsi, les séances de tournage deviennent des moments d’introspection, où l’on apprend à se connaître tout en respectant le rythme de la terre. Cette approche favorise une véritable communion subtile avec la matière, et les élèves apprennent à apprécier le mouvement simple et à la fois parfait, à valoriser chaque création comme un reflet de leur état d’être.
La connexion entre savoir-faire et savoir-être
L’artisanat, tel que je le conçois, est profondément ancré dans l’alliance entre le savoir-faire technique et le savoir-être poétique. Chaque pièce de poterie raconte une histoire, témoignant de l’intention mise dans sa création. Au-delà des techniques, c’est la présence que l’on y infuse qui donne vie aux œuvres. En enseignant, je cherche à transmettre ces valeurs : le respect de la nature, la lenteur, l’écoute des matières, et l’importance d’un ancrage solide dans le présent, la joie éprouvée dans la communication avec la terre.
À travers des exercices pratiques, mes élèves expérimentent la fluidité des gestes et la connexion à la terre. Ils apprennent à utiliser leur poids corporel de manière harmonieuse, favorisant une approche douce et respectueuse de son corps et de l’argile. Cela leur permet non seulement de créer des objets, bien loin d’un consumérisme à outrance, mais aussi de cultiver des compétences précieuses comme la résilience et la force tranquille. L’élève qui persévère repart avec un sentiment d’accomplissement, mais aussi une nouvelle compréhension de ce que signifie être artisan : un gardien de traditions, un passeur de savoir, un poète des matières.
En interrogeant le sens même de notre pratique, nous plongeons dans une réflexion sur notre place dans le monde. Comment nos gestes quotidiens peuvent-ils participer à un réenchantement collectif ? La poterie nous enseigne que chaque mouvement, chaque intention, peut être un acte de création non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour notre environnement.
Invitation à la réflexion
À travers ce parcours, ces réflexions, je vous invite à réfléchir sur votre propre rapport à l’artisanat et à la création et à notre consommation d’objet. Comment votre propre pratique professionnelle peut-elle réenchanter votre quotidien ? Cette question, je l’espère, résonnera en chacun de vous et vous incitera à explorer les subtilités de votre savoir-faire et à apprécier la poésie qui se cache derrière chaque geste, mots. Dans cette quête, peut-être découvrirez-vous que chaque acte créatif au sens large, aussi modeste soit-il, a le pouvoir de transformer notre vision du monde et de redonner du sens, une voie, une direction.
J’encourage vivement la lecture de son livre apparu en 2023 chez Grasset : L‘Hypothèse K – La science face à la catastrophe écologique. Aurélien Barrau